Parce que l'on croit toujours que cela n'arrive qu'aux autres...


1 - 14 Octobre 2018, ce jour où tout a basculé

Je me souviendrai toujours de ce Dimanche d'octobre 2018.
Jour de pluie, de grisaille, de ciel noir, de froid et de, peut-être, quelques petites éclaircies entre les gros nuages menaçants.
Une attente interminable d'un message qui ne viendra jamais, à contrario d'un autre qui est arrivé sans prévenir et qui a tout fait basculer.
« Je ne serai pas là demain ».
Qu'est ce qui fait qu'un SMS de 6 mots, d'une importance encore à prouver a pu me flanquer un aussi gros coup de vent comme il y avait dehors ce jour-là, en pleine tronche ?
Se retrouver par terre, contre le mur et dans le noir de ma salle de bain -qui deviendra par la suite mon refuge-, à ne plus pouvoir arrêter les larmes de rouler sur mes joues et s'écraser un peu plus bas.

4 - Le début du Soleil ardent

Les cachets ont mis 17 jours à faire effet. 17 jours d'attente et de doute.
Et puis, un mardi matin, avec ma playlist « aller mieux », et bien, c'est allé mieux. D'un seul coup et sans prévenir, le Monstre s'est fait oublier.
La fin du mois de Novembre et tout le mois de Décembre se sont passés... normalement. Le filtre gris s'est peu à peu dissipé grâce au traitement.

Et puis, fin Décembre, le Monstre avait totalement disparu, envolé, volatilisé. Le gris, le noir et les larmes n'étaient plus qu'un lointain souvenir. La vie est redevenue belle, le Soleil et son feu ardant ont pris possession de mon corps.
J'étais heureuse, il fallait que je le crie, et c'est d'ailleurs ce que j'ai fait, au volant de ma voiture.
Invincible, guérie... J'étais à nouveau Moi. Prête à tout, des idées à fusion, des projets fous, des discours de bonheur sans limite... Aussi beaucoup d'argent dépensé, beaucoup de garçons, de nuits avec des garçons, de cigarettes fumées, de cannabis consommé.
Une envie irrépressible de parler, parler et parler encore.
L'impression d'être la Reine du monde.

5 bis - La rechute

Mon refuge est devenu mon presque quotidien, il me recueille pour pleurer sans raison, pour me sentir si seule et si nulle. Il est là quand j'ai envie de hurler « aidez-moi », il est là quand je ne peux pas faire autrement que de voir couler le sang de mes bras, il est là quand je ne sais plus qui je suis, quand j'ai envie de me tuer, quand j'ai si peur de ce que je pourrais alors me faire. Il est là quand je suis sans force, par terre, à taper sur Google « urgences psychiatriques » ou « suicide ».

Parce que oui, dans ces moments-là, le Monstre prend entièrement possession de moi, il me plonge dans les abysses les plus profondes où il n'y a pas une seule lueur d'espoir, où il n'y a rien d'autre que l'obscurité la plus totale.
Les mots ne sont et ne seront jamais assez forts pour décrire ce qu'il se passe en moi à ces instants, parce que je ne suis tout simplement pas moi. Parce que je suis incapable de me reconnaître, de me relever, de savoir qui je suis et où je suis. La pulsion de me faire du mal est si forte qu'elle m'effraie. Je ne veux juste plus rien ressentir. Je ne veux pas mourir, je veux juste ne plus rien ressentir.

2 - Le début des -40 et des +40 degrés Celsius

Il aura fallu sombrer dans l'obscurité pendant plusieurs semaines, passer des soirées entières à pleurer par terre dans mon refuge, à ne plus avoir ni l'envie ni la force de manger, de lire, de discuter, de rire franchement, de courir, de sortir.
Des semaines à s'endormir à peine couchée à 21h30, et se réveiller en sursaut à 3h du matin.
Des semaines à se demander pourquoi ce Dimanche-là à tout fait basculer.

3 - L'appel au secours


Il ne m'aura pas fallu très longtemps pour comprendre que ça n'était pas normal, que j'avais besoin d'aide.
Arriver dans le bureau de mon médecin traitant, la gorge nouée, ne même pas avoir le temps d'entendre « qu'est-ce qui vous amène ? » pour s'écrouler, pleurer, et raconter.
Raconter la fatigue, raconter les larmes par litres entiers, raconter le noir et le gris, raconter la perte d'envie, la perte de plaisir, la perte de soi.
« Je vous arrête », mais non, non vous ne pouvez pas... Parce que si vous m'arrêtez, il n'y aura plus personne pour faire le travail, plus personne pour assurer les tâches quotidiennes au travail.
Surtout, si vous m'arrêtez, je n'aurai définitivement plus aucune raison de sortir de mon lit, de sortir de chez moi. Nous voilà parti pour des antidépresseurs et des anxiolytiques, nous voilà parti pour ne pas vouloir accepter l'arrivée et la présence indiscutable du Monstre.
Il vous empoisonne le quotidien, il vous fait plonger dans ce que je pensais encore être le pire de moi-même.


5 - La rechute

J'attendais 2019 avec une impatience folle, ça allait être le renouveau. Laisser 2018 et le Monstre derrière moi. Marquer le point final, terminer le chapitre, fermer le livre et ne plus jamais le ré-ouvrir, à part peut-être pour me rappeler par quoi j'étais passé.
2019 est arrivé, en grande pompe pendant plusieurs jours, comme je l'espérais.

Malheureusement, et sans prévenir, le Monstre a refait surface. De retour dans mon refuge, d'abord quelques soirs par ci par là, puis un peu plus régulièrement... jusqu'à comprendre que j'étais sur le point de me noyer à nouveau.

Il m'aura fallu bien plus de temps que la première fois pour appeler à l'aide.
Visite chez mon médecin, pour un tout autre motif... Mais c'était le moment ou jamais.
Alors j'ai raconté le deuxième chapitre du Monstre. « Je pleure tous les soirs, tout allait bien, si bien... et du jour au lendemain c'était la rechute »  

6 - Le diagnostic

Premier rendez-vous chez une psychiatre, Raconter une fois de plus, en mettant quelques filtres au début. Comment avouer ses pensées suicidaires ? Comment avouer le sentiment de n'être plus rien ? 

Et puis laisser peu à peu la vérité faire face... « Je m'en veux, j'ai un toit, un travail, une vie sociale, une famille... Et pourtant quelque chose au fond de moi ne va pas, et pourtant j'ai envie de me tuer, et pourtant il m'arrive d'avoir peur de ce que je pourrais me faire un jour. Et pourtant... »
Le diagnostic que je redoutais tant est tombé ce jour-là, et sans l'once d'une hésitation. « Ce n'est pas une dépression que vous faîtes. Vous avez des troubles de l'humeur. »
Des troubles de l'humeur... C'est tellement plus joli, tellement plus facile à entendre que « vous êtes bipolaire ».
Et pourtant la réalité est bien là. Je suis bipolaire. Je suis malade.

7 - La bipolarité

Comment, à 23 ans, se dire que quelque chose en moi me torture et me détruit ? Je me suis dit plusieurs fois "mais pourquoi moi ?"
Je me dis que l'écrire noir sur blanc  me donnera peut-être la force de l'accepter... Accepter que je sois malade, que non je ne suis pas folle, que j'aie une maladie mentale. Accepter d'être mise sous traitement, accepter ce terme qui me fait si peur. Bipolaire. Je suis bipolaire.

Je ne sais plus qui je suis. Je ne sais pas comment faire face à tout ça. Comment faire comprendre à certaines personnes, que non, ce n'est pas simplement « ne pas être en forme », c'est être malade. C'est côtoyer le pire de soi-même.
C'est avoisiner les -40 degrés puis les +40 degrés.
C'est se noyer dans l'obscurité puis s'élever sur les rayons brûlants du Soleil.

 "Tout le monde comprend les appels au secours, il y a juste ceux qui font comme s'ils ne voyaient rien"

8 - La perte de moi-même

J'ai l'impression de ne plus me reconnaître. J'aimerai tellement que tout redevienne comme avant. Comme avant ce mois d'Octobre, comme avant ce dimanche où quelque chose a vrillé en moi. Je sais que ça ne sera jamais le cas, et pourtant j'espère encore que ça arrive. J'aimerai que les montagnes russes s'arrêtent, j'aimerais ne plus avoir envie de me tuer, ni de me faire du mal, j'aimerais que tout soit lisse, stable, normal, j'aimerai ne plus ressentir toutes ces émotions multipliées par 1000, j'aimerais vraiment retrouver la Camille d'avant. Elle n'existe plus vous savez, elle n'existera jamais plus, et le pire dans tout ça, c'est de ne pas savoir qui l'on est devenu, qui l'on est tout court.

C'est épuisant d'être moi.

9 - La descente en enfer

Après quelques mois de répit, le nuage gris s'est à nouveau installé au-dessus de ma tête et il refuse de se dissiper. Le pire de moi-même refait surface, et comme à chaque fois, ça me semble encore pire que la fois précédente.

Mais je crois que ça l'est réellement ces derniers jours, ces deux dernières semaines. J'ai l'impression d'être du vide, d'être du rien... Comme un robot qui passe des heures assise à même le sol ou allongée dans son lit sans pouvoir bouger, à fixer le plafond ou regarder le vide. Et quand ce vide d'émotions quitte mon corps, c'est pour laisser place à une douleur si profonde et si violente que je ne peux strictement rien y faire. Elle me terrasse, elle balaye tout sur son passage et menace à chaque fois d'être définitivement plus forte que moi. Elle l'est déjà un peu, mais elle n'a pas encore atteint le point de non-retour, celui où je n'aurai plus aucunes ressources pour y faire face. Ce jour, ce soir ou cette nuit où les idées ne seront plus seulement des idées... Pour l'instant, elles m'obsèdent, elles prennent toute la place dans ma tête, elles se font de plus en plus présentes, tel un nuage de pollution de plus en plus épais et de plus en plus irrespirable qui remplacerait l'air sain petit à petit dans mes poumons.

9 - La descente en enfer bis 

Un soir, la crise de larmes m'a semblé durer des heures entières, pleurer jusqu'à ne plus pouvoir respirer, jusqu'à être sur le point de vomir. J'ai eu tellement mal. Des fourmis dans les mains et dans les jambes, l'incapacité de bouger, le silence pesant de l'appartement entrecoupé de mes sanglots et de mes « au secours » à peine audibles, la voix tremblante.
Ce soir-là, j'ai ouvert la boite d'anxiolytiques pour en prendre deux, pour m'assommer, pour faire taire les idées noires, pour m'endormir. Mais ce soir-là, il m'a fallu plus d'une heure pour avaler ces deux cachets. Une heure pendant laquelle j'ai regardé la boite entière en me demandant si cela me permettrait de ne jamais me réveiller. Une heure pendant laquelle, pour la première fois depuis des mois, l'idée seule de suicide s'est transformée en « pourquoi pas ». Quelque chose au fond de moi a sûrement dû lutter très fort, peut être un brin de vie ou un manque de courage, ou peut-être encore un semblant de peur, je ne sais pas. Mais, et la prochaine fois, qui va gagner ?

10 - Le besoin d'hurler SOS

Ce soir-là, j'aurai tellement aimé avoir la force de me lever, de m'habiller, de prendre ma voiture et d'aller crier à l'aide, d'aller chercher n'importe quelle main tendue en capacité de m'écouter, de comprendre, d'entendre, de me mettre en sécurité et surtout de me protéger de moi-même...
Au lieu de ça, j'ai passé une soirée de plus à ne rien pouvoir avaler, une soirée de plus dans l'incompréhension de ce qu'il m'arrive, de ce qu'il se passe dans ma tête, une soirée de plus dans le noir complet, une soirée de plus à être obsédée par l'idée de me tuer, et à le dire à voix haute. A vouloir le crier... Mais pour quoi, et à qui surtout ?
Parce que le lendemain, en plein jour au travail ou chez la psy, le robot remarche, il parle, il mange, il sourit, il répond « ça va ! » et il rit franchement. Un joli mécanisme de défense, une superbe façade, une capacité indéniable à faire semblant. Alors avec tout ça, comment crier au secours ? Comment répondre « non, ça ne va pas, je voudrais tellement me tuer si vous saviez, j'ai tellement peur de moi-même, tellement mal... si vous saviez ».

La lumière s'est éteinte une fois de plus, et pour la première fois, j'aimerai qu'elle ne se rallume plus jamais. 

11 - La main tendue, l'hospitalisation

Un matin, le lendemain de cette soirée à tenter de tenir debout entre la vie et la mort, une main tendue s'est présentée à moi. Une main tendue que j'ai serré de toutes mes forces, parce que mon SOS avait enfin été entendu, parce que tous ces « je veux mourir » criés dans mon appartement ont été entendu. Cette main tendue m'a amené en sécurité, aux urgences psychiatriques. Elle ne m'a pas lâché une seule seconde, et je ne pourrais jamais la remercier comme je le voudrais.
Et j'ai débarqué dans cet endroit où je n'aurai jamais penser atterrir, complètement perdue, sans réellement comprendre ce qu'il était en train de se passer.
J'ai passé une journée entière dans une chambre, sans téléphone ni objets considérés comme dangereux, à attendre.... Mais attendre quoi ? Seule avec mes pensées qui se bousculaient dans tous les sens dans ma tête : "Mais qu'est ce que je fais là toute seule ? Que m'arrive t-il ?"
Après 10 heures d'attente, j'ai enfin été transféré dans un service où un infirmier m'a accueilli. Il m'a montré ma chambre, m'a fait visiter le service... J'écoutais sans vraiment comprendre. Amorphe, épuisée, vidée, âme toute cabossée...
Voilà le début de mon hospitalisation.


"J'ai l'impression d'être un petit bout de papier plié en huit, qu'il faut déplier avec soin sous peine de le déchirer"
Virginie Grimaldi.

L'hospitalisation - Partie 1 - L'arrivée

Je suis arrivée dans ce service complètement perdue, me demandant ce qu'il se passait vraiment. 
Les premiers jours ont été vraiment compliqués. J'ai du attendre 4 jours avant de pouvoir voir un médecin, 4 jours pour pouvoir sortir dans le parc, 4 jours pour avoir le droit de recevoir des visites.
Au début, ça a été beaucoup d'incompréhension, de la peur, de l'angoisse, des litres et des litres de larmes versées. Beaucoup de crises d'angoisse, une énorme difficulté à sortir ne serait-ce qu'à 500 mètres de l'hôpital, et surtout un diagnostic réellement établi, qui effraie, des médicaments donc je ne connaissais même pas l'existence. Ça a été des nuits à ne presque pas dormir, cauchemars sur cauchemars. 
Comment accepter qu'à 24 ans on soit hospitalisée en psychiatrie ? Comment oser dire à ses propres parents que l'on a eu envie d'en finir ? 
Je suis arrivée ce vendredi 7 Juin, premiers messages à mes collègues "non mais de toute façon je ne reste qu'une semaine", tu parles oui... J'ai vite réalisé l'ampleur des choses. 
Quand j'ai enfin pu voir le médecin et raconter sans vraiment comprendre, il m'a dit "3 semaines". Ces deux mots, cette échéance m'ont tellement effrayés. J'ai compris à quel point j'avais perdu pied, à quel point la douleur morale était insupportable et surtout insurmontable. Au final, j'étais effrayée à l'idée de sortir d'ici, effrayée de rentrer chez moi, effrayée à l'idée d'en finir cette fois-ci. 
Il y a eu des moments difficiles à traverser, se sentir vide, anesthésiée de toute émotion ou au contraire, être terrassée par la douleur. 
Les premières scarifications sont vite arrivées... Seule dans ma chambre, assise sur mon lit, à ne pas oser aller parler, éclater, pleurer devant l'équipe soignante. Une fois, puis deux, puis trois... et tellement encore. Les poignets en sang, des pansements moches qui se voient beaucoup trop... qui montrent que je suis faible. 
Le traitement a été augmenté, modifié, changé et j'en passe. J'étais complètement au fond du trou, noyée, perdue... Plus l'envie de rien, aucune force, aucun plaisir pour rien... Mais au moins j'étais en sécurité. En sécurité de moi-même. 



L'hospitalisation - Partie 2 - Les soignants

Au fil du temps, j'ai réussi à sortir de ma chambre dans mes moments les plus sombres, j'ai réussi, doucement mais surement à oser aller parler à l'équipe soignante. Une équipe soignante toujours présente, à me rassurer, me consoler, m'écouter, ou simplement me laisser pleurer et encore pleurer. Mais aussi à me redonner de l'espoir, à essayer de me convaincre qu'il y a bien une lumière au bout du tunnel.
 Et toujours ces mêmes questions "Mais que-ce qu'il se passe en vous dans ces moments ?" Mais si seulement je savais moi-même... 
J'ai commencé un travail avec une psychologue, au moins le courant est très vite passé même si comme d'habitude, je n'arrivais pas à me livrer. 
Quelque chose en moins montait, montait et montait encore... Un soir, un infirmier B., m'a dit qu'à un moment donné la soupape finirait bien par exploser, il m'a parlé pendant presque une heure, et cela n'a pas été le seul. Médecins, infirmiers, aides-soignants... Je ne pourrais même pas compter le nombre de fois, de minutes où j'ai tenté de me livrer, où ils ont essayé de me faire parler. Et croyez-moi, cela a pris un temps fou... En réalité, presque 3 mois.
Dans cette équipe soignante, je compte aussi bien les médecins, que les infirmier(e)s, les aides-soignants et aussi les ASH.  
Chacun a leur manière, ils ont tenté, des fois en vain, mais ils ont surtout et vraiment réussi à réparer mes ailes cassées afin que je puisse commencer à m'envoler vers la guérison. 
Leur bonne humeur quotidienne et leurs rires dans les couloirs qui réchauffent les cœurs, ça, je ne l'oublierai jamais. D'ailleurs, je n'oublierai jamais leur visage, leurs conseils, leur soutien sans faille et ce silence juste lorsque je me mettais à pleurer sans raison. Ces sourires, ces "venez, on va discuter", ces "ça va aller"...
Les soignants, ce navire sécurisant pendant ma tempête. 

L'hospitalisation - Partie 3 - Les montagnes russes

Rien n'a jamais été stable. C'était le "je vais bien" puis d'une heure à l'autre, c'était "j'ai envie de me tuer". Chose difficile à expliquer aux médecins et infirmiers... Au début, les journées se passaient plus ou moins bien, je faisais des choses, je lisais, je m'occupais comme je le pouvais et dès la fin de journée venue, plus rien n'allait. Le noir revenait, m'assommait, prenait entièrement possession de moi, d'où les poignets en sang... Puis il y a eu des périodes de mieux, à commencer à envisager une sortie.
Et de nouveaux des périodes de noir total... Les montagnes russes complètes. Alterner entre le bien et le mal. Alterner entre "je vais mieux" et "j'ai peur de moi-même, reprenez mon chargeur de portable, d'ordinateur, reprenez tout objet potentiellement dangereux". J'en suis venue à un stade où j'ai demandé à ce qu'on m'interdise de sortir à l’extérieur de l'hôpital, de peur de faire une bêtisé irréversible. Un anti-dépresseur rajouté au thymorégulateur, qui a fait son effet pendant plusieurs jours, pendant 2/3 semaines peut-être, puis la rechute instantanée... Cette rechute surtout causée par le fait d'être retournée chez moi, après 2 mois et demi sans y vivre, juste une journée pour ranger, trier, me réapproprier les lieux... Tu parles. Je me suis à nouveau retrouvée par terre dans mon Refuge, les médicaments devant moi, le cutter à côté. Je suis rentrée en larmes, et c'est à cet instant que j'ai compris que je ne pouvais tout simplement plus vivre chez moi. Et ça, c'était déjà une petite, une minuscule partie de mon mal-être.
Ces quelques 3 mois ont été ponctués de vrais sourires, de fou-rires et de rechutes complètes... Trop difficile à comprendre. Trop difficile à expliquer... J'ai eu la sensation de désespérer un petit peu l'équipe soignante. Ainsi que mon entourage... "Je vous assure, je ne sais PAS pourquoi j'ai perdu pied. Non ce n'est pas le travail, non ce n'est pas une mauvaise rencontre ou une agression... Vraiment, je ne sais pas".

"Vous savez, Camille, la vie c'est comme une montgolfière. Pour aller plus haut, il faut savoir se délester et jeter par-dessus bord tout ce qui nous empêche de nous élever"
Virginie Grimaldi.

L'hospitalisation - Partie 4 - L'explosion

Il y a beaucoup trop de détails, trop de choses qui se sont passées pendant tout ce temps, que je ne peux pas toutes les écrire ici. 
Cependant, après presque 3 mois d'hospitalisation, j'ai réussi à ramener mes 6 boites de médicaments à l’hôpital. Assise sur la table de la salle de soin, les boites à côté de moi et F., cette infirmière qui a réussi à tout faire sortir. Je ne sais pas comment ni pourquoi, mais ce jour-là, tout est enfin sorti de moi. Toutes les mauvaises choses enfouies depuis des années, des mois entiers, ont explosées. Elles sont sorties de mon corps, les larmes ruisselant sur mon visage. J'ai raconté les traumatismes, très vieux ou récents, j'ai insulté, j'ai tout craché, tout balancé. J'ai raconté des choses dont je n'avais encore jamais parlées à personne, j'ai raconté toutes ces relations amoureuses sans respect, j'ai raconté le burn-out d'Octobre, j'ai raconté cette dernière relation toxique qui m'a complètement détruite. J'en ai pris conscience, comme ça. Un flash éclair dans mon cerveau. J'ai ouvert les yeux d'un seul coup sur tout ce que j'avais pu subir. Les rabaissements, mes goûts qui n’étaient pas assez bien pour lui, mes "goûts de merde" en fait, la peur qui ne me quittait pas de mal agir, cette perte de confiance et d'estime de moi-même. Je n'étais juste plus moi, je ne pensais pas à moi. Je demandais la permission pour tout et n'importe quoi, m'adaptait à ses envies même si elles n'étaient pas en accord avec les miennes, je pardonnais tout, je lui trouvais toujours des excuses,  mes amis ne me reconnaissaient plus, j'étais clairement coincée dans cette relation. Coincée mais trop amoureuse pour me rendre compte des choses. Coupée de mes amis, coupée de mon travail, coupée de tout. Je n'étais tout simplement plus moi. 
Bien-sûr, ce n'est pas la seule raison de mon hospitalisation. Et "heureusement" j'ai envie de dire. Tellement de mal-être accumulé depuis tant d'années sans m'en rendre compte... Un jour, il fallait bien que cela explose. 
J'ai enfin trouvé les causes de cette descente aux enfers, il y avait enfin une raison, même des raisons à toutes ces larmes versées, ces scarifications, ces crises d'angoisses, cette douleur atroce au fond de moi qui me plongeait dans le noir total.

L'hospitalisation -Partie 6 - L'entourage

Dans cette descente aux enfers, j'ai eu la chance d'avoir une famille et des amis plus que présents. Je pense, et je suis même sure, que sans eux, la remontée aurait été quasiment impossible. 
Comment dire à ses propres parents que l'on a eu envie de se tuer ? Il m'a fallu un peu de temps... Quelques jours pour oser cracher le morceau, au téléphone et en larmes. Imaginez la douleur que cette phrase peut causer pour des parents... 
Il n'y a jamais eu d'incompréhension, pas l'ombre d'un jugement. Ils ont été tellement présents pour moi... Ils sont venu avec ma sœur chaque dimanche depuis ce 7 Juin. Absolument chaque dimanche. 
Et chaque soir de chaque semaine, j'avais droit à leur coup de téléphone. Du début à la fin... J'ai eu l'incroyable chance d'avoir ma famille pour me soutenir. 
Cette hospitalisation nous a tellement rapprochés, c'était bien la première fois qu'on osait se dire "je t'aime", ça parait peut-être rien, mais pour moi c'était beaucoup. Grace à eux, j'ai pu trouver et avoir un nouvel appartement, un nouveau cocon qui laissait les mauvais souvenirs dans l'ancien. 
Je pense que je ne pourrais jamais assez les remercier pour tout ce qu'ils m'ont apportés, parce que je sais qu'il y a des gens qui n'ont personne autour d'eux pour surmonter ces épreuves difficiles de la vie.
Quant à ma meilleure amie, elle a su mettre la distance dont j'avais besoin, le temps d'aller mieux... Elle ne m'a jamais abandonnée, on était loin physiquement mais à aucun moment cela nous a éloignées, au contraire. Et d'ailleurs quand on s'est retrouvées, c'est comme s'il ne s'était jamais rien passé.
 Si tu lis ceci, sache que tu es l'une de mes plus belles rencontres depuis deux ans, même si tu le sais déjà... "comme il existe des coups de foudre en amour, il en existe en amitié"... Toi non plus, je ne pourrai jamais assez te remercier... Te remercier de tes mots, de ton soutien sans faille, et surtout d'être restée, de m'avoir comprise. 

Je vous aime. Que ce soit mes parents, ma sœur, mes grands-parents, toi Léa, et toutes les autres personnes qui m'ont tellement soutenus... Merci. 
Je vous doit tellement. 

L'hospitalisation - Partie 5 - Ces visages

L'hôpital psychiatrique, ça n'a pas été que douleur et larmes. Ça a été la rencontre d'autres personnes cabossées de l'âme qui te comprennent totalement, ça a été des regards bienveillants, des sourires et des visages que je n'oublierai jamais. Des personnes qui ne te jugent pas, qui ressentent parfois la même chose que toi. Tellement de personnes qui ont défilés au fil des mois... Et certaines qui me marqueront à jamais. Ça a été des fou-rires à en pleurer et en avoir mal au ventre, des parties de Uno et de Tarot endiablées, des selfies pour se créer des souvenirs, pour se rappeler les liens forts avec certains patients. Ça a été une liste de contacts téléphonique bien allongée, histoire de peut-être, se revoir à l'extérieur un jour.
Ça a été des heures passées au fumoir à nourrir, parler et donner des surnoms aux pigeons, à s'émerveiller de voir passer des petits rats des champs dans les buissons (Et oui, des choses surement bêtes, mais qui font du bien, qui occupent, qui nous font rire).
Ça a aussi été des heures à refaire le monde, à s'entraider, à rire ou rester dans le silence complet. Ça a été des cigarettes (beaucoup trop de cigarettes) fumées le matin à la fraîche mais aussi le soir, dans le calme de la nuit. 
J'ai rencontré des personnes qui ont un don pour la musique, qui m'ont fait voyager à travers leur textes et leur voix, qui m'ont donné l'envie de chanter une fois la nuit tombée... Peu importe que ce soit plus au moins faux. Je me suis découvert une nouvelle thérapie, celle de la musique. Mais aussi celle du rire. Des petits instants, des petites choses que l'ont pourraient qualifier de normales... Mais non, ça n'a pas seulement été ça. Ça a été une grosse aide, une petite avancée pour me faire sortir la tête de l'eau. Des petits cadeaux offerts par des patients, sans que je m'y attende. 
Malgré quelques embrouilles, malgré quelques cris, malgré certaines personnes assez toxiques, il y a eu des rencontres merveilleuses.
Des personnes qui m'ont offert une bulle d'affection et de tendresse dont j'avais tant besoin, des éclats de rire, des regards sans se dire un mot qui en disaient long, une complicité extrêmement forte. 
Une chose est sûre, je ne les oublierai jamais. 
4 mois à vivre en communauté, côtoyer des personnes 24h/24, forcément cela créer des liens, même si cela fait très mal quand ces personnes partent. Mais c'est comme ça, des gens entrent dans notre vie et en ressortent, une fois la douleur passée, il reste les souvenirs qui font sourire et réchauffent les-mon- cœur. 

"Certains entrent dans notre vie et ne font que passer, d'autres s'y attardent et laissent des empreintes qui nous transforment à tout jamais"

"Il y a des gens dont le regard vous améliore, c'est très rare mais quand on les rencontre il ne faut pas les laisser passer"
Katherine Pancol


L'hospitalisation - Partie 7 - Le début de l'ascension 

Cette hospitalisation a changé quelque chose en moi à tout jamais. Elle m'a endurci au fil des jours, elle m'a fait sortir un caractère que je ne connaissais pas. Peut-être celui d'une battante, une guerrière qui ne se laissera plus marcher sur les pieds (petit à petit bien-sûr). 
Elle m'a redonné le gout de vivre, m'a donné l'occasion de pouvoir repartir à zéro en trouvant un nouvel appartement, pour ne plus jamais retourner dans l'ancien où j'ai failli mettre fin à ma vie. 


J'ai tellement voulu redevenir la Camille d'avant, mais plus maintenant. Je suis persuadée depuis longtemps maintenant, que rien n'arrive par hasard dans la vie. Si je pouvais retourner dans le passé, je n'y changerai rien. Même si j'en ai énormément bavé, même si j'ai souffert, même si j'ai voulu me suicider. 
Une page se tourne, je veux seulement être la Camille de maintenant et d'après, celle qui se reconstruit, celle qui a tant appris sur elle-même, celle qui va réussir à dire non, à affirmer ses goûts et ne pas en avoir honte, celle qui se fout du regard des autres. Celle qui va démarrer une nouvelle vie. Guérie non, mais soignée oui. Certes, il faudra prendre des médicaments certainement à vie, certes beaucoup de choses vont changer. Mais je ne suis pas bipolaire, je suis Camille. Je suis moi avant d'être la maladie. 
Alors oui, j'ai été hospitalisée en HP, mais j'en ai pas honte. Cela m'a fait ressortir la tête de l'eau, cela a chassé le gros nuage noir, même s'il restera toujours des moments un peu difficiles et de la fragilité. Je pense que je trouve petit à petit les ressources nécessaires pour faire face à ces petites périodes de creux qui reviendront sûrement à certains moments, bien que moins intense. Des ressources autres que de se faire du mal.

Et la Vie continue

Semicolon Project Tattoo : 

"Un point-virgule est utilisé quand l'auteur aurait pu choisir de finir sa phrase mais qu'il a choisis de ne pas le faire. L'auteur c'est vous et la phrase c'est votre vie."


Le combat n'est pas gagné, ma vie a changé sur tous les plans, rien ne redeviendra jamais comme avant, mais une autre Camille ressort de là, avec plus de force, avec plus de moyens pour lutter.
C'est un après empli de soulagement mais aussi de peur d'affronter une nouvelle vie. Une nouvelle vie avec des traitements, une nouvelle vie à être alerte de la moindre petite rechute.
Comme le dit si bien Raphaëlle Giordano : « Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n'en a qu'une »
Et dire que j'ai failli la foutre en l'air... 

Je m'étais promis de réaliser ce tatouage empli de sens une fois la tête sortie de l'eau. C'est chose faite. J'ai voulu mettre un point final à ma vie, finalement, après 4 mois d'hospitalisation, c'est un point-virgule qui est encré en moi à tout jamais. Un point virgule pour me rappeler que j'ai affronté des périodes de noir absolu, mais que je suis toujours là. Toujours en vie.

"Quand tu as atteint le sommet de la montagne, continue de grimper"
Proverbe chinois

Camille

Mon combat contre moi-même.

Me contacter


Vous qui traversez la tempête, vous n'êtes pas seuls...

Vous qui ne comprenez pas forcément cette maladie invisible...
Je vous laisse m'écrire à votre guise.


© 2019 Mon combat contre moi-même. Tous droits réservés.
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer